Affronter le peloton d’exécution, autrefois et à l’heure actuelle

Alors que j’écris le présent article, je prends une pause entre deux auditions pour l’Orchestre du Centre national des Arts. Il m’est venu à l’esprit que les membres n’ayant pas encore eu l’occasion d’auditionner pour un orchestre seraient peut-être curieux de connaître la marche à suivre. En outre, voici une description de la marche à suivre de l’OCNA et de quelques auditions auxquelles j’ai moi-même participé.

Vous savez sans doute que les auditions sont maintenant tenues derrière un écran. Cela vise surtout à en faire une sélection à l’aveugle afin que le comité d’audition ne puisse savoir, par exemple, le sexe de la personne passant l’audition. Certains candidats enlèvent leurs souliers pour nuancer davantage le principe d’anonymat. Cependant, comme l’allée menant au centre de l’estrade (ou à la salle d’’audition, le cas échéant) est souvent recouverte d’un tapis, cette mesure n’est pas nécessaire.

Lorsque j’ai commencé à auditionner pour le hautbois et le cor anglais – il y a trop longtemps pour le préciser maintenant! – les auditions n’étaient pas tenues derrière un écran, et nous pouvions rester et écouter la prestation de chacun. J’aimais bien sentir un rapport humain avec les membres du comité, mais je sais pertinemment (parce qu’on me l’a dit verbalement mais malheureusement jamais par écrit) que je n’ai pas obtenu certains emplois parce que j’étais une femme. Une de mes camarades de classe a obtenu, par décision unanime du comité d’audition, un poste comme hautbois solo dans un grand orchestre américain. Cependant, le conseil d’administration a refusé de l’embaucher en raison de son sexe. Par la suite, elle est devenue la première femme parmi tous les orchestres américains importants à tenir le poste de hautbois solo.

Heureusement, au moment où j’ai auditionné pour l’Orchestre du CNA, les choses commençaient à changer. L’audition n’avait pas lieu derrière un écran, mais j’ai tout de même été embauchée – la première femme à faire partie de la section des instruments à vent de l’OCNA. Si vous assistez à un concert au CNA aujourd’hui, vous pourrez constater à quel point les choses ont changé!

Présentement, mon rôle de présidente de la Section locale 180 consiste à représenter la Section locale aux auditions d’orchestre. Je m’installe entre le candidat et le comité, au bout de l’écran, afin de veiller à ce que tout se déroule conformément à la convention collective. À ce jour, ce fut rarement problématique, surtout parce que la directrice du personnel de l’OCNA, qui est responsable de tous les préparatifs de l’audition et qui accompagne les candidats dans et de la pièce, se préoccupe vraiment de respecter les conditions convenues.

Toutes les auditions pour l’OCNA se déroulent maintenant derrière un écran. De plus, dans les dernières négociations de la convention collective, il a été convenu de ne pas dévoiler les résultats de chaque ronde au comité d’audition. Le comité vote après chaque groupe de cinq ou six artistes exécutants pour déterminer s’ils avancent à la prochaine ronde. S’il ne sait pas, par exemple, que le candidat numéro 2 a avancé, le comité écoute tous les candidats avec une oreille attentive. Après la première ronde, aucune discussion n’a lieu sauf en cas d’égalité. À la deuxième et à la troisième ronde, les discussions sont permises avant le vote.

Il y a aussi un autre changement à mentionner. Lorsque j’auditionnais pour des postes au sein d’un orchestre, la liste des passages musicaux n’était pas toujours fournie. L’on pouvait vous demander d’exécuter n’importe quelle pièce du répertoire de l’orchestre, et il y avait souvent une lecture à vue. C’était le cas lorsque j’ai auditionné pour l’OCNA. Ce fut une surprise supplémentaire, tant pour le hautbois solo du moment, Rowland Floyd, que moi-même, lorsqu’on nous a demandé d’interpréter des pièces en duo. De nos jours, les candidats reçoivent une liste à l’avance et l’OCNA n’exige aucune lecture à vue. Cela ne facilite pas nécessairement les choses, alors que les candidats n’ont que quelques minutes pour capter l’attention du comité.

Le comité écoute pour des raisons évidentes – la précision des notes, une bonne tonalité, une attention aux nuances dans la musique, un tempo constant, etc. – puis il espère quelque chose au-delà de ces indicateurs. Il est plutôt rare qu’un candidat surpasse toutes les attentes en offrant une prestation musicale si belle qu’elle permet d’oublier quelques pépins techniques ici et là. Il est également rare qu’un musicien soumis à une telle pression puisse s’exécuter parfaitement et magnifiquement à la fois. C’est aussi déchirant d’entendre une personne évidement aussi musicale vivre une journée difficile, avec des erreurs trop nombreuses pour qu’on puisse les ignorer.Peu importe la façon de faire, l’audition s’avère un exercice brutal. Plusieurs personnes croient que c’est assez indépendant de l’exécution dans un orchestre pour utiliser une autre méthode. Mais soyons clairs, les auditions de l’OCNA comprennent une période d’essai au sein de l’orchestre avant d’offrir un poste à quelqu’un. Toutefois, plusieurs orchestres n’offrent pas cette option. À mon avis, cela nous aide énormément à voir comment une personne s’adapte musicalement avec l’ensemble avant qu’elle ne se déplace vers une autre ville sans avoir la certitude d’un emploi permanent après la période probatoire, laquelle peut s’étendre sur une ou deux années.

Par ailleurs, quel autre moyen pourrions-nous utiliser pour trouver la meilleure personne à combler un poste dans un orchestre? Autrefois, l’on faisait parfois appel à d’éminents professeurs pour connaître les élèves à qui offrir un poste dans un orchestre quelconque. Il arrive parfois que les gens croient que le musicien X, qui a été suppléant dans un groupe donné pendant bon nombre d’année et qui a bien réussi, devrait simplement se voir offrir un emploi. Toutefois, la tenue d’une audition ouverte, bien qu’elle puisse être brutale, permet d’entendre des personnes qui ne seraient pas découvertes autrement – une personne nouvellement diplômée, par exemple, ou une personne qui a enseigné à l’université pendant un certain nombre d’années. Selon moi, c’est comme la démocratie : ce n’est peut-être pas toujours aussi efficace que nous le voudrions, mais c’est mieux que tous les autres systèmes.

Francine